SVB, a silly story banking, really ?

Paru dans linkedIn le 13 mars 2023

La faillite de SVB qui agite et inquiète les marchés est-elle histoire idiote (silly )?

Je ne sais pas. Mais elle est certainement significative et intéressante c’est sûr.

Tous les ingrédients sont là pour décrire cette faillite comme idiote, fruit de l’incompétence et de la démesure. . 

Mais les informations que l’on peut lire ici et là sont évidemment parcellaires (et orientés).

Apparemment, c’est une histoire assez classique pour une banque, avec dépôts, prêts, placements de trésorerie en titres sûrs (Trésor, MBS,etc). 0n ne parle pas de dérivés. On regrette même qu’il n’y avait pas assez de swap de taux, pour “protéger” le portefeuille à taux fixe…

On cite une croissance très forte des dépôts qui sont passés de 50 Mds d’USD en 2017 à plus de 200 Mds d’USD en 2021.

On évoque alors une gestion actif/passif déficiente. Avec des investissements à long terme à taux fixe et à faibles rendements, des rémunérations des dépôts très faibles de l’ordre de 0,50%. On discute alors de ce que SVB aurait fait si elle avait été soumise aux mêmes ratios de liquidité et d’adéquation des actifs qu’en Europe etc.

Cette rémunération des dépôts très faible aurait justifié des retraits de clients, principalement trésoriers d’entreprises de la Tech, arbitrant pour de meilleures conditions dans d’autres banques. Les retraits alors subis auraient été suffisants pour l’obliger à réaliser des pertes sur le portefeuille d’actifs à taux fixe. SVB est alors rentrée dans une spirale accentuée par la capacité des clients à réagir très vite. Un Bank Run se fait maintenant via son ordinateur, et non plus en faisant la queue sous la pluie comme dans “It’s a wonderfull life“.

On ne signale pas des défauts de crédits massifs mais seulement une baisse de la marge de crédit (?), sans en préciser l’origine.

Seule originalité de SVB, apparement, la nature de ses clients : les entreprises et les investisseurs de la Tech. 

On relèvera toutefois une expansion internationale (HSBC est en train de racheter la filiale en GB selon une information Bloomberg du 13 mars) qui l’a fait sortir du pur statut de Community Bank, initialement cité. Et ce développement à l’international a été suffisamment fort pour que SVB soit désigné Banque de l’année 2023 en GB , ( ce qui laisse souvent à penser que la banque lauréate a payé de gros montants de commissions à ses conseils ou au secteur du M&A) !

À noter également : le CEO, Greg Becker, est très expérimenté et influent. Il siège au conseil de la Fed de San Francisco. (Director class A). Il a été assez influent pour faire, dit-on, relever en 2015 le plafond des banques surveillées de façon plus attentive par les superviseurs bancaires de 50 Mds de bilan à 250 Mds d’USD.

De mon point de vue, on nous présente donc un cas classique de défaillance, une croissance mal conduite. En somme c’est une histoire, regrettable certes mais explicable, ne remettant pas en cause la réglementation et le suivi de la Fed dans le cadre de la législation actuelle. 

Beaucoup alors insistent sur le rôle des hausses de taux de la FED par J. Powell

Ce seraient ces hausses qui expliqueraient cette défaillance et les rédacteurs concluent en disant qu’il faudrait donc arrêter ce mouvement haussier qui est en train de faire des dégâts.

Personnellement, je serai plus prudent car ce n’est pas un hasard si ce premier défaut intervient dans un établissement financier du secteur de la tech, secteur qui a bénéficié largement des effets de la surliquidité créée par les QE et la ZIRP. 

Je ferai donc volontiers le parallèle avec la chute de Country Wide la banque américaine spécialisée dans l’immobilier qui a inauguré en 2007 le bal des défaillances bancaires aux Etats-Unis.

Certes, son modèle OTD (Originate to distribute) était fragile, très dépendant du refinancement par les marchés financiers, mais c’était surtout l’immobilier qui était le vrai sujet de la défaillance de Country Wide.

Je subodore que cette baisse de la marge bancaire de SVB est surtout le reflet du manque de rentabilité de prêts et des investissements dans la tech.

C’est une réaction classique après une période de bulle. Sur le marché boursier, les valorisations se sont ajustées, et les grandes valeurs ont retrouvé un niveau d’avant la flambée de la période COVID.  Mais pour l’ensemble du secteur, l’ajustement se fait effectivement plus progressivement, mis en évidence sous la contrainte de la hausse des coûts financiers qu’implique la hausse des taux directeurs. Et ce, d’autant plus vite, que la pratique bancaire aux Etats-Unis, pour les entreprises ou pour les particuliers, impose des emprunts à taux variables.

Dans une période de bulle et d’euphorie on investit généralement beaucoup, mais au final, pour peu de résultats. Ce fut le cas pendant la bulle internet de début des années 2000. Et, facteur aggravant, la longue période de taux bas a contribué à masquer durablement cet état de fait, et à amplifier ce surinvestissement.

Les entreprises zombies abondamment mentionnées comme bénéficiaires abusifs par ceux qui mettaient en évidence les effets nocifs des politiques monétaires trop durablement laxistes, n’étaient donc pas forcément dans les “secteurs brick and mortar”.

A suivre donc pour savoir si les hausses de taux de Powell ne vont pas mettre en évidence le manque de rentabilité globale et à l’usage plus accentué que prévu des Investissements US dans la Tech. La réponse est cruciale, à la fois pour l’économie US et bien sûr pour son secteur bancaire.