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Le temps des vraies réformes est venu

En mars 1918, Clémenceau, surnommé le Tigre, disait à l’assemblée nationale : « La Russie nous trahit, je continue de faire la guerre. La malheureuse Roumanie est obligée de capituler, je continue de faire la guerre, et je continuerai jusqu’au dernier quart d’heure. » La stratégie était claire.

Clemenceau : L'irréductible Gaulois | historia.fr

Mme Lagarde dit-elle : « l’inflation n’est pas là, je continue d’acheter. L’activité se dérobe, je continue d’acheter et je continuerais jusqu’au dernier quart d’heure » ? Hélas non, dès lors le sens du combat n’est pas clair.

On reste dans des politiques qui transgressent le cadre conceptuel consensuel et dont on ne peut donc connaitre, ni l’issue, ni les effets autres qu’immédiats. Ainsi, les banques centrales monétisent les dettes publiques à tour de bras, alors que l’on enseignait que c’était dangereux. Elles approuvent les gouvernements qui dépensent sans limite, et les déficits qui s’amplifient, alors qu’on disait il y a peu que c’était irresponsable.

Ces politiques non conventionnelles révèlent l’inadéquation du consensus actuel sur la nature de la monnaie et sur l’organisation monétaire de l’économie. Il a fallu le transgresser pour éviter l’explosion qu’aurait provoquée la crise de 2008. Il faut, assure-t-on encore et toujours, et de plus en plus, le transgresser. Quand s’arrêtera-t-on ? N’y a-t-il pas des limites à ces politiques qui transforment aujourd’hui aux yeux de nos contemporains, l’argent, ce bel et bon argent aurait dit Harpagon, en argent magique.

La crise Covid a accéléré des tendances qui entraînent le système économique vers toujours plus de dettes et toujours plus d’inégalités. A-t-on réalisé qu’après la crise d’endettement de 2008, les dettes mondiales de toutes natures ont progressé de plus de 50% en dix ans ? Or, en 2020, pour faire face à la brutale accélération des difficultés, les mesures prises par les banquiers centraux et les gouvernements ont permis à chaque citoyen de toucher du doigt que la monnaie n’est ni un bien, ni une matière première, mais que c’est quelque chose qui se crée à partir de rien, que c’est un crédit, la matérialisation d’une confiance de chacun dans les institutions, dans le système.

Dès lors faut-il risquer de détruire cette confiance en recherchant l’inflation comme le proposent les banques centrales ? Non, car l’inflation, c’est l’impôt le plus injuste qu’il soit. Il frappe tout le monde, il n’est décidé par personne et on ne maîtrise ni son taux, ni sa fin.

Faut-il subir une quasi-stagnation sans fin que l’impasse monétaire et le poids des dettes imposeront aux économies ainsi que le prévoient les banques centrales ? Non plus, car on connait le résultat de cette stagnation : toujours plus d’inégalités, de hausse du prix des actifs et toujours moins de revenus globalement et donc plus de gêne pour les plus faibles : nous expérimentons ce régime depuis dix ans. Il détruit le contrat social et les sociétés. Faut-il citer la longue liste des déstabilisations subies dans tous les pays occidentaux depuis 2008, majorités introuvables, dirigeants contestés, coupures entre élites et citoyens…

Alors, que faire ?

Les temps sont venus de réformer radicalement l’organisation économique et monétaire. On peut et on doit effacer les dettes publiques sans détruire la monnaie pour libérer l’action des banques centrales et des gouvernants. C’est faisable[1] car les dettes publiques ne sont qu’une expression particulière de la monnaie fiduciaire que nous utilisons. Nous l’expérimentons aujourd’hui la monnaie a remplacé la dette. Mais une fois cette opération faite, il est indispensable d’arrêter l’incessante croissance des dettes observée depuis quarante ans. Ces dettes résultent de déséquilibres durables et quasi structurels qu’elles permettent de compenser, mais qu’il faut aujourd’hui combattre.

Pour cela il y a trois types de mesures : 1) monétaires : avec une sécurisation des dépôts bancaires et un contrôle par la puissance publique de la création monétaire que les crédits bancaires entrainent 2) économiques : en stoppant la cause fondamentale de l’endettement généralisé : la perte des capacités de production en Occident qui entraine un déséquilibre permanent du commerce extérieur et toujours au bénéfice des mêmes pays et, pour ce faire, sans retourner aux taxes douanières, il faut introduire des critères stratégiques, climatiques dans les échanges et, parallèlement, 3) systémiques : redonner au système monétaire international un caractère réellement autorégulateur en supprimant les blocages des parités de change officiels et les accumulations de réserves de change qui ont permis de les réaliser officieusement.

Vastes chantiers ! Certes, ce fut le cas pour le plan Armand-Rueff, Bretton Woods, ou le New Deal. Mais, une croissance responsable et durable, la prospérité et l’ordre social commandent parfois, des décisions fondatrices.


[1] Cf. Hubert Rodarie, Effacer les dettes publiques c’est possible et c’est nécessaire ; MA éditions ESKA, nov2020

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