Attente
Attente !
C’est sûr, c’est un titre bizarre pour un article de rentrée. Pourquoi ne pas parler d’engagement ? Car la plupart d’entre nous ont vécu depuis le mi-juillet au rythme des Jeux Olympiques et Paralympiques, en admirant le talent et l’abnégation de tous ces jeunes qui sont allés au bout d’eux-mêmes pour gagner. Engagement et dépassement de soi face aux réalités, cela aurait dû être les bons titres.
Hélas, malgré les bouleversements et les drames, malgré des actualités parfois brulantes, malgré des agitations et l’incessante logorrhée de l’info en continue: l’attente domine dans les esprits. Aux Etats-Unis on attend les élections présidentielles et législatives ; en Europe, on attend la nouvelle Commission, son programme, et le rapport Draghi ; en France, un nouveau gouvernement…
Pourquoi ? Ce n’est pas le première fois que l’on vit des changements de gouvernements ou autres. Mais cette fois, nous vivons des temps où nous savons, de façon unanime, qu’est fini le temps de la communication, celle qui masque l’indécision, l’inaction où le cynique attentisme de ceux qui sont du bon coté.
Voici venus les temps où des décisions claires, voire tranchées, doivent être prises pour traiter des sujets qui alimentent depuis trop longtemps l’insatisfaction des populations dans les pays développés.
Lorsque j’écris « nous », j’englobe une très grande partie de la population : les dirigeants et les élites qui connaissent les ressorts de nos dispositifs économiques et politiques, mais aussi tous ceux qui, même s’ils ne sont pas aptes à l’expliquer ou à formuler des solutions, ressentent et pâtissent depuis de nombreuses années de l’affaiblissement des qualités des grandes organisations publiques mais aussi privées.
C’est le cas évidement en géopolitique bien sûr, dans les grandes organisations des échanges économiques, pour le respect de l’environnement, des êtres vivants y compris humains certes, mais aussi en France dans l’éducation, la santé publique, et encore dans ce qui relève a priori des organisations privées : l’approvisionnement des médicaments [1], la standardisation des produits de consommation, la baisse de la qualité des biens et services. Il n’est pas nécessaire d’être engagés dans le militantisme éco logique ou politique pour ressentir au moins une certaine perplexité devant l’origine de certains produits agricoles[2] ou industriels[3], tout en subissant par ailleurs une critique constante de ses propres déplacements.
En France, la capacité de performance des administrations et organismes publics pourrait sembler être dédiée uniquement à l’administration des impôts et aux recouvrement des cotisations sociales.
Cette dégradation ressentie des conditions de vie des citoyens non seulement ne se réduit pas mais, au contraire, persiste année après année et s’étend largement dans le monde occidental autrefois qualifié de développé.
Pérenniser ces insatisfactions, n’est plus une option car les sociétés sont devenues trop fragiles : il faut agir. Tout le monde l’attend.
Cette situation s’exprime dans chaque pays, en Europe, en Grande Bretagne ou aux Etats-Unis par une radicalisation des propos ou des mesures proposées selon des modalités propres à chacun d’entre eux et à leurs traditions politiques. Montée des extrêmes, basculement de majorité, coalitions improbables avec des programmes aux cohérences limitées et trop rigides, gouvernements minoritaires, blocages législatifs, … De fait, dans tous les pays occidentaux, paradoxalement, la légitimité des gouvernements est d’autant plus faible que des décisions structurantes sont devenues nécessaires. Cette perte de légitimité, et donc d’autorité, s’observe partout que ce soit aux Etats Unis face à leurs dettes abyssales, en Allemagne face à la chute de leur compétitivité industrielle, en Grande Bretagne ou en France.
En Europe, nous attendons en particulier le rapport Draghi (voir mon article précédent du mois de juillet) et ses préconisations sur la compétitivité européenne. Annoncé en avril, sa parution a été, une fois de plus, repoussée de juillet à septembre. M. Draghi avait affiché la nécessité de refonder l’Europe en prenant acte que l’Europe ne peut plus agir en étant la seule à appliquer des règles des années 1990 que les grands blocs, Chine et Etats Unis, ne respectent plus. Ses propositions établiraient, selon ses termes, des stratégies pour protéger les industries européennes, les mettre à une échelle continentale et sécuriser activités et indépendance des approvisionnements.
A cet égard, l’énergie est le premier des sujets que devrait traiter le nouveau trilogue à la tête de l’Union européenne, le Conseil européen, la Commission européenne et le Parlement européen, et ce de façon moins cosmétique que ces dernières années, après le choc sur les prix et les ruptures d’approvisionnement de gaz.
L’énergie est au cœur de l’économie. Certains disent même que l’économie est avant tout de l’énergie transformée. Dans un monde de valeurs relatives, l’énergie, même si ses prix varient, reste une vraie valeur. L’énergie permet la transformation des matières premières et l’animation des machines qui économisent et démultiplient les efforts humains et animaux. Disposer d’énergie décarbonée en abondance, à un coût faible et stable, est une condition sine qua none pour assurer à nos concitoyens les conditions de vie dignes auxquelles ils aspirent.
L’utilisation de l’énergie ne se limite pas au monde matériel. Plus l’activité se dématérialise plus elle consomme de l’énergie. La consommation d’électricité liée à la numérisation et encore plus celle des Intelligences Artificielles devraient attirer notre attention.
Bonne rentrée.
[1] Pénuries signalées bien avant le Covid cf la lettre de mission du 30 septembre 2019 du premier ministre mandatant Jacques Biot pour définir des préconisations stratégiques afin de réduire ces pénuries « multipliées par 20 en 10 ans » dixit. La COVID, a accentué ce phénomène en mettant en avant les conséquences des situations d’urgence dans le cadre actuel : préférence marché nationaux des producteurs, hausse des prix,…
[2] Oignons ou échalotes frais en provenance du Chili, moutons de Nouvelle Zélande, viandes bovine aux hormones interdites en France, …
[3] inventaire à faire à la Prévert : des Bordures de trottoir et dalles de sépultures en granit venus de Chine aux cellules photovoltaïques, batteries, pièces électroniques et autres textiles, …